« À l'œuvre on connaît l'artisan. Quelques rayons de miel sans maître se trouvèrent, Des Frelons les réclamèrent, Des Abeilles s'opposant, Devant certaine Guêpe on traduisit la cause. Il était malaisé de décider la chose : Les témoins déposaient qu'autour de ces rayons Des animaux ailés, bourdonnants, un peu longs, De couleur fort tannée et tels que les Abeilles, Avaient longtemps paru. Mais quoi ! dans les Frelons Ces enseignes étaient pareilles. La Guêpe, ne sachant que dire à ces raisons, Fit enquête nouvelle, et pour plus de lumière, Entendit une fourmilière. Le point n'en put être éclairci. De grâce, à quoi bon tout ceci ? Dit une Abeille fort prudente, Depuis tantôt six mois que la cause est pendante, Nous voici comme aux premiers jours ; Pendant cela le miel se gâte. Il est temps désormais que le Juge se hâte : N'a-t-il point assez léché l'ours ? Sans tant de contredits et d'interlocutoires, Et de fatras, et de grimoires, Travaillons, les Frelons et nous : On verra qui sait faire, avec un suc si doux, Des cellules si bien bâties. Le refus des Frelons fit voir Que cet art passait leur savoir ; Et la Guêpe adjugea le miel à leurs parties. Plût à Dieu qu'on réglât ainsi tous les procès ! Que des Turcs en cela l'on suivît la méthode ! Le simple sens commun nous tiendrait lieu de Code : Il ne faudrait point tant de frais ; Au lieu qu'on nous mange, on nous gruge, On nous mine par des longueurs : On fait tant, à la fin, que l'huître est pour le juge, Les écailles pour les plaideurs. »
Les Frelons et les Mouches à miel – Livre I, n°21: Morale : "Celui qui agit par jalousie ou par malveillance finit souvent par se détruire lui-même."
« La raison du plus fort est toujours la meilleure : Nous l'allons montrer tout à l'heure. Un Agneau se désaltérait Dans le courant d'une onde pure. Un Loup survient à jeun, qui cherchait aventure, Et que la faim en ces lieux attirait. Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? Dit cet animal plein de rage : Tu seras châtié de ta témérité. Sire, répond l'Agneau, que Votre Majesté Ne se mette pas en colère ; Mais plutôt qu'elle considère Que je me vas désaltérant Dans le courant, Plus de vingt pas au-dessous d'Elle ; Et que par conséquent, en aucune façon, Je ne puis troubler sa boisson. Tu la troubles, reprit cette bête cruelle, Et je sais que de moi tu médis l'an passé. Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ? Reprit l'Agneau ; je tette encor ma mère Si ce n'est toi, c'est donc ton frère. Je n'en ai point. C'est donc quelqu'un des tiens : Car vous ne m'épargnez guère, Vous, vos Bergers et vos Chiens. On me l'a dit : il faut que je me venge. Là-dessus, au fond des forêts Le loup l'emporte et puis le mange, Sans autre forme de procès. »
Le Loup et l’Agneau – Livre I, n°10: Morale :le plus fort, même sans raison valable, finit souvent par imposer sa volonté.
« L’aigle, reine des airs, avec Margot la pie, Différentes d’humeur, de langage et d’esprit, Et d’habit, Traversaient un bout de prairie. Le hasard les assemble en un coin détourné. L’agasse eut peur ; mais l’aigle, ayant fort bien dîné, La rassure, et lui dit : « Allons de compagnie ; Si le maître des dieux assez souvent s’ennuie, Lui qui gouverne l’univers, J’en puis bien faire autant, moi qu’on sait qui le sert. Entretenez-moi donc, et sans cérémonie. » Caquet-bon-bec alors de jaser au plus dru, Sur ceci, sur cela, sur tout. L’homme d’Horace, Disant le bien, le mal à travers champs, n’eût su Ce qu’en fait de babil y savait notre agasse. Elle offre d’avertir de tout ce qui se passe, Sautant, allant de place en place, Bon espion, Dieu sait. Son offre ayant déplu, L’aigle lui dit tout en colère : « Ne quittez point votre séjour, Caquet-bon-bec, mamie ; adieu ; je n’ai que faire D’une babillarde à ma cour : C’est un fort méchant caractère. » Margot ne demandait pas mieux. Ce n’est pas ce qu’on croit que d’entrer chez les dieux : Cet honneur a souvent de mortelles angoisses. Rediseurs, espions, gens à l’air gracieux, Au cœur tout différent, s’y rendent odieux, Quoique ainsi que la pie il faille dans ces lieux Porter habit de deux paroisses. »
L’Aigle et la Pie – Livre XII, n°11: Morale :"Avant de critiquer les autres, il vaut mieux examiner ses propres travers."
« Ô Jupiter, qui sus de ton cerveau, Par un secret d’accouchement nouveau, Tirer Pallas, jadis mon ennemie, Entends ma plainte une fois en ta vie. Progné me vient enlever les morceaux Caracolant, frisant l’air et les eaux Elle me prend mes mouches à ma porte Miennes je puis les dire ; et mon réseau En serait plein sans ce maudit Oiseau ; Je l’ai tissu de matière assez forte. Ainsi, d’un discours insolent, Se plaignait l’Araignée autrefois tapissière, Et qui, lors étant filandière, Prétendait enlacer tout insecte volant. La sœur de Philomèle, attentive à sa proie, Malgré le bestion happait mouches dans l’air, Pour ses petits, pour elle, impitoyable joie, Que ses enfants gloutons, d’un bec toujours ouvert, D’un ton demi-formé, bégayante couvée, Demandaient par des cris encor mal entendus. La pauvre Aragne n’ayant plus Que la tête et les pieds, artisans superflus, Se vit elle-même enlevée. L’Hirondelle en passant emporta toile, et tout, Et l’animal pendant au bout, Jupin pour chaque état mit deux tables au monde. L’adroit, le vigilant, et le fort sont assis À la première ; et les petits Mangent leur reste à la seconde.»
L'Araignée et l'Hirondelle – Livre XII, n°6: Morale :"Il est parfois plus sage de se méfier de ce qui semble trop beau pour être vrai."
« Du palais d’un jeune Lapin Dame Belette un beau matin S'empara ; c’est une rusée. Le Maître étant absent, ce lui fut chose aisée. Elle porta chez lui ses pénates un jour Qu’il était allé faire à l’Aurore sa cour Parmi le thym et la rosée. Après qu’il eut brouté, trotté, fait tous ses tours, Janot Lapin retourne aux souterrains séjours. La Belette avait mis le nez à la fenêtre. Ô Dieux hospitaliers, que vois-je ici paraître ? Dit l’animal chassé du paternel logis : Ô là, Madame la Belette, Que l’on déloge sans trompette, Ou je vais avertir tous les rats du pays. La Dame au nez pointu répondit que la terre Était au premier occupant. C’était un beau sujet de guerre Qu’un logis où lui-même il n’entrait qu'en rampant. Et quand ce serait un royaume Je voudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi En a pour toujours fait l’octroi À Jean fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume, Plutôt qu’à Paul, plutôt qu’à moi. Jean Lapin allégua la coutume et l’usage. Ce sont, dit-il, leurs lois qui m’ont de ce logis Rendu maître et seigneur, et qui de père en fils, L’ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean transmis. Le premier occupant est-ce une loi plus sage ? Or bien sans crier davantage, Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis. C’était un Chat vivant comme un dévot ermite, Un Chat faisant la chattemite, Un saint homme de Chat, bien fourré, gros et gras, Arbitre expert sur tous les cas. Jean Lapin pour juge l'agrée. Les voilà tous deux arrivés Devant sa Majesté fourrée. Grippeminaud leur dit : Mes enfants, approchez, Approchez, je suis sourd, les ans en sont la cause. L’un et l'autre approcha ne craignant nulle chose. Aussitôt qu’à portée il vit les contestants, Grippeminaud le bon apôtre Jetant des deux côtés la griffe en même temps, Mit les plaideurs d'accord en croquant l’un et l’autre. Ceci ressemble fort aux débats qu’ont parfois Les petits Souverains se rapportant aux Rois. »
Le Chat, la Belette et le Petit Lapin – Livre VII, n°15: Morale :"Les apparences peuvent être trompeuses ; mieux vaut être prudent avec ceux qui affichent une trop grande bonté."
« Une Grenouille vit un Bœuf Qui lui sembla de belle taille. Elle qui n'était pas grosse en tout comme un œuf, Envieuse s'étend, et s'enfle, et se travaille Pour égaler l'animal en grosseur, ...............Disant : Regardez bien, ma sœur ; Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ? Nenni. M'y voici donc ? Point du tout. M'y voilà ? Vous n'en approchez point. La chétive Pécore S'enfla si bien qu'elle creva. Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages : Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs, Tout petit prince a des ambassadeurs, Tout marquis veut avoir des pages. »
La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf – Livre I, n°3: Morale :"Il vaut mieux accepter ses limites que de chercher à égaler ce qui dépasse nos forces."
« Le Buisson, le Canard et la Chauve-Souris, Voyant tous trois qu'en leur pays Ils faisaient petite fortune, Vont trafiquer au loin, et font bourse commune. Ils avaient des comptoirs, des Facteurs, des Agents Non moins soigneux qu'intelligents, Des registres exacts de mise et de recette. Tout allait bien, quand leur emplette, En passant par certains endroits Remplis d'écueils, et forts étroits, Et de trajet très difficile, Alla tout emballée au fond des magasins Qui du Tartare sont voisins. Notre Trio poussa maint regret inutile, Ou plutôt il n'en poussa point. Le plus petit Marchand est savant sur ce point ; Pour sauver son crédit, il faut cacher sa perte. Celle que par malheur nos gens avaient soufferte Ne put se réparer : le cas fut découvert. Les voilà sans crédit, sans argent, sans ressource, Prêts à porter le bonnet vert. Aucun ne leur ouvrit sa bourse, Et le sort principal, et les gros intérêts, Et les Sergents, et les procès, Et le Créancier à la porte, Dès devant la pointe du jour, N'occupaient le Trio qu'à chercher maints détours, Pour contenter cette cohorte. Le Buisson accrochait les passants à tous coups : Messieurs, leur disait-il, de grâce, apprenez-nous En quel lieu sont les marchandises Que certains gouffres nous ont prises. Le Plongeon sous les eaux s'en allait les chercher. L'Oiseau Chauve-Souris n'osait plus approcher Pendant le jour nulle demeure ; Suivi des Sergents à toute heure En des trous il s'allait cacher. Je connais maint detteur qui n'est ni Souris-Chauve, Ni Buisson, ni Canard, ni dans tel cas tombé, Mais simple grand seigneur, qui tous les jours se sauve Par un escalier dérobé. »
La Chauve-souris, le Buisson et le Canard – Livre XII, n°7: Morale : "Vaut mieux être fidèle à ses principes que de chercher à satisfaire tout le monde."
La Cigale, ayant chanté Tout l'été, Se trouva fort dépourvue Quand la bise fut venue : Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau. Elle alla crier famine Chez la Fourmi sa voisine, La priant de lui prêter Quelque grain pour subsister Jusqu'à la saison nouvelle. "Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l'Oût, foi d'animal, Intérêt et principal. " La Fourmi n'est pas prêteuse : C'est là son moindre défaut. Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle à cette emprunteuse. - Nuit et jour à tout venant Je chantais, ne vous déplaise. - Vous chantiez ? j'en suis fort aise. Eh bien! dansez maintenant.
La Cigale et la Fourmi – Livre I, n°1: La morale est que le travail est fondamental, et il faut savoir être prévoyant.
Compère (1) le Renard se mit un jour en frais, Et retint à dîner commère la Cigogne (2). Le régal fut petit et sans beaucoup d'apprêts : Le Galand, pour toute besogne (3) Avait un brouet (4) clair (il vivait chichement). Ce brouet fut par lui servi sur une assiette. La Cigogne au long bec (5) n'en put attraper miette ; Et le Drôle eut lapé le tout en un moment. Pour se venger de cette tromperie, À quelque temps de là, la Cigogne le prie. Volontiers, lui dit-il, car avec mes amis Je ne fais point cérémonie." À l'heure dite, il courut au logis De la Cigogne son hôtesse ; Loua très fort sa politesse, Trouva le dîner cuit à point. Bon appétit surtout ; Renards n'en manquent point. Il se réjouissait à l'odeur de la viande Mise en menus morceaux, et qu'il croyait friande (6). On servit, pour l'embarrasser En un vase à long col, et d'étroite embouchure. Le bec de la Cigogne y pouvait bien passer, Mais le museau du Sire était d'autre mesure. Il lui fallut à jeun retourner au logis, Honteux comme un Renard qu'une Poule aurait pris, Serrant la queue, et portant bas l'oreille. Trompeurs, c'est pour vous que j'écris, Attendez-vous à la pareille.
Le Renard et la Cigogne – Livre I, n°18: La morale est : Trompeurs, c'est pour vous que j'écris : Attendez vous à la pareille.
« Le long d'un clair ruisseau buvait une Colombe, Quand sur l'eau se penchant une Fourmi y tombe. Et dans cet océan l'on eût vu la Fourmi S'efforcer, mais en vain, de regagner la rive. La Colombe aussitôt usa de charité : Un brin d'herbe dans l'eau par elle étant jeté, Ce fut un promontoire où la Fourmi arrive. Elle se sauve ; et là-dessus Passe un certain Croquant qui marchait les pieds nus. Ce Croquant, par hasard, avait une arbalète. Dès qu'il voit l'Oiseau de Vénus Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête. Tandis qu'à le tuer mon Villageois s'apprête, La Fourmi le pique au talon. Le Vilain retourne la tête : La Colombe l'entend, part, et tire de long. Le souper du Croquant avec elle s'envole : Point de pigeon pour une obole. »
La Colombe et la Fourmi – Livre II, n°12: Morale : "Qui fait le bien reçoit souvent le bien en retour."
Maître Corbeau, sur un arbre perché, Tenait en son bec un fromage. Maître Renard, par l'odeur alléché, Lui tint à peu près ce langage : Et bonjour, Monsieur du Corbeau, Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau ! Sans mentir, si votre ramage Se rapporte à votre plumage, Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. À ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie, Et pour montrer sa belle voix, Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. Le Renard s'en saisit, et dit : Mon bon Monsieur, Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l'écoute. Cette leçon vaut bien un fromage sans doute. Le Corbeau honteux et confus Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.
Le Renard et le Corbeau – Livre I, n°2: Morale :Il faut savoir garder la raison même quand quelqu'un nous flatte et nous dit ce que l'on veut entendre. La sagesse est toujours la plus forte.
« Il ne se faut jamais moquer des misérables, Car qui peut s'assurer d'être toujours heureux ? Le sage Ésope dans ses fables Nous en donne un exemple ou deux ; Je ne les cite point, et certaine chronique M'en fournit un plus authentique. Le Renard se moquait un jour de l'Écureuil Qu'il voyait assailli d'une forte tempête : Te voilà, disait-il, près d'entrer au cercueil Et de ta queue en vain tu te couvres la tête. Plus tu t'es approché du faîte, Plus l'orage te trouve en butte à tous ses coups. Tu cherchais les lieux hauts et voisins de la foudre : Voilà ce qui t'en prend ; moi qui cherche des trous, Je ris, en attendant que tu sois mis en poudre. Tandis qu'ainsi le Renard se gabait, Il prenait maint pauvre poulet Au gobet ; Lorsque l'ire du Ciel à l'Écureuil pardonne : Il n'éclaire plus, ni ne tonne ; L'orage cesse ; et le beau temps venu Un chasseur ayant aperçu Le train de ce Renard autour de sa tanière : « Tu paieras, dit-il, mes poulets. » Aussitôt nombre de bassets Vous fait déloger le compère. L'Écureuil l'aperçoit qui fuit Devant la meute qui le suit. Ce plaisir ne lui dure guère, Car bientôt il le voit aux portes du trépas. Il le voit ; mais il n'en rit pas, Instruit par sa propre misère. »
Le Renard et l'Ecureuil – posthume, 1861: Morale : "La vanité précède souvent la chute."
« Tel, comme dit Merlin, cuide engeigner autrui, Qui souvent s'engeigne soi-même. J'ai regret que ce mot soit trop vieux aujourd'hui : Il m'a toujours semblé d'une énergie extrême. Mais afin d'en venir au dessein que j'ai pris, Un Rat plein d'embonpoint, gras et des mieux nourris, Et qui ne connaissait l'avent ni le carême, Sur le bord d'un marais égayait ses esprits. Une Grenouille approche, et lui dit en sa langue : " Venez me voir chez moi ; je vous ferai festin." Messire Rat promit soudain : Il n'était pas besoin de plus longue harangue. Elle allégua pourtant les délices du bain, La curiosité, le plaisir du voyage, Cent raretés à voir le long du marécage : Un jour il conterait à ses petits-enfants Les beautés de ces lieux, les mœurs des habitants, Et le gouvernement de la chose publique Aquatique. Un point sans plus tenait le galand empêché. Il nageait quelque peu ; mais il fallait de l'aide. La Grenouille à cela trouve un très bon remède : Le Rat fut à son pied par la patte attaché ; Un brin de jonc en fit l'affaire. Dans le marais entrés, notre bonne Commère S'efforce de tirer son Hôte au fond de l'eau, Contre le droit des gens, contre la foi jurée ; Prétend qu'elle en fera gorge chaude et curée ; C'était, à son avis, un excellent morceau. Déjà, dans son esprit la galande le croque. Il atteste les dieux ; la Perfide s'en moque. Il résiste ; elle tire. En ce combat nouveau, Un Milan, qui dans l'air planait, faisait la ronde, Voit d'en haut le pauvret se débattant sur l'onde. Il fond dessus, l'enlève, et par même moyen La Grenouille et le lien. Tout en fut : tant et si bien, Que de cette double proie L'Oiseau se donne au cœur joie, Ayant de cette façon À souper chair et poisson. La ruse la mieux ourdie Peut nuire à son inventeur ; Et souvent la perfidie Retourne sur son auteur. »
La Grenouille et le Rat – Livre VI, n°11: Morale : "Il est dangereux de vouloir être ce que l'on n'est pas ou de chercher à imiter ceux qui sont bien différents de nous."
« Une Hirondelle en ses voyages Avait beaucoup appris. Quiconque a beaucoup vu Peut avoir beaucoup retenu. Celle-ci prévoyait jusqu'aux moindres orages, Et devant qu'ils fussent éclos, Les annonçait aux matelots. Il arriva qu'au temps que la chanvre se sème, Elle vit un manant en couvrir maints sillons. "Ceci ne me plaît pas, dit-elle aux Oisillons : Je vous plains ; car pour moi, dans ce péril extrême, Je saurai m'éloigner, ou vivre en quelque coin. Voyez-vous cette main qui par les airs chemine ? Un jour viendra, qui n'est pas loin, Que ce qu'elle répand sera votre ruine. De là naîtront engins à vous envelopper, Et lacets pour vous attraper ; Enfin mainte et mainte machine Qui causera dans la saison Votre mort ou votre prison. Gare la cage ou le chaudron ! C'est pourquoi, leur dit l'Hirondelle, Mangez ce grain et croyez-moi." Les Oiseaux se moquèrent d'elle : Ils trouvaient aux champs trop de quoi. Quand la chènevière fut verte, L'Hirondelle leur dit : "Arrachez brin à brin Ce qu'a produit ce mauvais grain, Ou soyez sûrs de votre perte. -Prophète de malheur, babillarde, dit-on, Le bel emploi que tu nous donnes ! Il nous faudrait mille personnes Pour éplucher tout ce canton." La chanvre étant tout à fait crue, L'Hirondelle ajouta : " Ceci ne va pas bien ; Mauvaise graine est tôt venue. Mais puisque jusqu'ici l'on ne m'a crue en rien, Dès que vous verrez que la terre Sera couverte, et qu'à leurs blés Les gens n'étant plus occupés Feront aux Oisillons la guerre ; Quand reginglettes et réseaux Attraperont petits Oiseaux, Ne volez plus de place en place ; Demeurez au logis, ou changez de climat : Imitez le Canard, la Grue et la Bécasse. Mais vous n'êtes pas en état De passer comme nous les déserts et les ondes, Ni d'aller chercher d'autres mondes. C'est pourquoi vous n'avez qu'un parti qui soit sûr : C'est de vous enfermer aux trous de quelque mur." Les Oisillons, las de l'entendre, Se mirent à jaser aussi confusément Que faisaient les Troyens quand la pauvre Cassandre Ouvrait la bouche seulement. Il en prit aux uns comme aux autres : Maint Oisillon se vit esclave retenu. Nous n'écoutons d'instincts que ceux qui sont les nôtres, Et ne croyons le mal que quand il est venu. »
L'Hirondelle et les Petits Oiseaux – Livre I, n°8: La morale : "Ne laissez pas l'euphorie du moment vous faire oublier les réalités et les risques futurs."
Un jour, sur ses longs pieds, allait je ne sais où, Le Héron au long bec emmanché d'un long cou. Il côtoyait une rivière. L'onde était transparente ainsi qu'aux plus beaux jours ; Ma commère la carpe y faisait mille tours Avec le brochet son compère. Le Héron en eût fait aisément son profit : Tous approchaient du bord, l'oiseau n'avait qu'à prendre ; Mais il crut mieux faire d'attendre Qu'il eût un peu plus d'appétit. Il vivait de régime, et mangeait à ses heures. Après quelques moments l'appétit vint : l'oiseau S'approchant du bord vit sur l'eau Des Tanches qui sortaient du fond de ces demeures. Le mets ne lui plut pas ; il s'attendait à mieux Et montrait un goût dédaigneux Comme le rat du bon Horace. Moi des Tanches ? dit-il, moi Héron que je fasse Une si pauvre chère ? Et pour qui me prend-on ? La Tanche rebutée il trouva du goujon. Du goujon ! c'est bien là le dîner d'un Héron ! J'ouvrirais pour si peu le bec ! aux Dieux ne plaise ! Il l'ouvrit pour bien moins : tout alla de façon Qu'il ne vit plus aucun poisson. La faim le prit, il fut tout heureux et tout aise De rencontrer un limaçon. Ne soyons pas si difficiles : Les plus accommodants ce sont les plus habiles : On hasarde de perdre en voulant trop gagner, Gardez-vous de rien dédaigner ; Surtout quand vous avez à peu près votre compte. Bien des gens y sont pris ; ce n'est pas aux Hérons Que je parle ; écoutez, humains, un autre conte ; Vous verrez que chez vous j'ai puisé ces leçons.
Le Héron – Livre VII, n°4: Morale : Ne soyons pas si difficiles : Les plus accomodants, ce sont les plus habiles. On hasarde de perdre en voulant trop gagner.Gardez-vous de rien dédaigner, Surtout quand vous avez à peu près votre compte.
« L'Aigle et le Chat-huant leurs querelles cessèrent, Et firent tant qu'ils s'embrassèrent. L'un jura foi de Roi, l'autre foi de Hibou, Qu'ils ne se goberaient leurs petits peu ni prou. Connaissez-vous les miens ? dit l'Oiseau de Minerve. - Non, dit l'Aigle.- Tant pis, reprit le triste Oiseau. Je crains en ce cas pour leur peau : C'est hasard si je les conserve. Comme vous êtes Roi, vous ne considérez Qui ni quoi : Rois et Dieux mettent, quoi qu'on leur die, Tout en même catégorie. Adieu mes nourrissons si vous les rencontrez. - Peignez-les-moi, dit l'Aigle, ou bien me les montrez. Je n'y toucherai de ma vie. Le Hibou repartit : Mes petits sont mignons, Beaux, bien faits, et jolis sur tous leurs compagnons. Vous les reconnaîtrez sans peine à cette marque. N'allez pas l'oublier ; retenez-la si bien Que chez moi la maudite Parque N'entre point par votre moyen. Il advint qu'au Hibou Dieu donna géniture, De façon qu'un beau soir qu'il était en pâture, Notre Aigle aperçut d'aventure, Dans les coins d'une roche dure, Ou dans les trous d'une masure (Je ne sais pas lequel des deux), De petits monstres fort hideux, Rechignés, un air triste, une voix de Mégère. Ces enfants ne sont pas, dit l'Aigle, à notre ami. Croquons-les. Le galant n'en fit pas à demi. Ses repas ne sont point repas à la légère. Le Hibou, de retour, ne trouve que les pieds De ses chers nourrissons, hélas ! Pour toute chose. Il se plaint, et les Dieux sont par lui suppliés De punir le brigand qui de son deuil est cause. Quelqu'un lui dit alors : N'en accuse que toi Ou plutôt la commune loi Qui veut qu'on trouve son semblable Beau, bien fait, et sur tous aimable. Tu fis de tes enfants à l'Aigle ce portrait ; En avaient-ils le moindre trait ? »
L’Aigle et le Hibou – Livre V, n°18: Morale : "La sagesse n'est pas toujours dans la force, et l'intelligence peut surpasser la puissance."
« Il ne se faut jamais moquer des misérables: Car qui peut s'assurer d'être toujours heureux? Le sage Ésope dans ses fables Nous en donne un exemple ou deux. Celui qu'en ces vers je propose Et les siens, ce sont même chose. Le lièvre et la perdrix, concitoyens d'un champ, Vivaient dans un état, ce semble, assez tranquille, Quand une meute s'approchant Oblige le premier à chercher un asile: Il s'enfuit dans son fort, met les chiens en défaut, Sans même en excepter Brifaut. Enfin il se trahit lui-même Par les esprits sortant de son corps échauffé. Miraut, sur leur odeur ayant philosophé, Conclut que c'est son lièvre, et d'une ardeur extrême Il le pousse; et Rustaut, qui n'a jamais menti, Dit que le lièvre est reparti. Le pauvre malheureux vient mourir à son gîte. La perdrix le raille, et lui dit: Tu te vantais d'être si vite ! Qu'as-tu fait de tes pieds? Au moment qu'elle rit Son tour vient: on la trouve. Elle croit que ses ailes La sauront garentir à toute extrémité: Mais la pauvrette avait compté Sans l'autour aux serres cruelles. »
Le Lièvre et la Perdrix – Livre V, n°17: La morale: "La précipitation et l'orgueil mènent à l'échec, tandis que la prudence et la réflexion mènent à la réussite."
« Les Loups mangent gloutonnement. Un Loup donc étant de frairie, Se pressa, dit-on, tellement Qu'il en pensa perdre la vie. Un os lui demeura bien avant au gosier. De bonheur pour ce Loup, qui ne pouvait crier, Près de là passe une Cigogne. Il lui fait signe, elle accourt. Voilà l'Opératrice aussitôt en besogne. Elle retira l'os ; puis, pour un si bon tour, Elle demanda son salaire. Votre salaire? dit le Loup, Vous riez, ma bonne commère. Quoi ! Ce n'est pas encor beaucoup D'avoir de mon gosier retiré votre cou ! Allez, vous êtes une ingrate ; Ne tombez jamais sous ma patte. »
Le Loup et la Cigogne – Livre III, n°9: Morale : "L'ingratitude de celui que l'on aide est parfois plus douloureuse que l'absence de reconnaissance."
« On conte qu'un serpent, voisin d'un horloger (C'était pour l'horloger un mauvais voisinage), Entra dans sa boutique, et, cherchant à manger, N'y rencontra pour tout potage Qu'une lime d'acier qu'il se mit à ronger. Cette lime lui dit, sans se mettre en colère: Pauvre ignorant! et que prétends-tu faire? Tu te prends à plus dur que toi, Petit serpent à tête folle: Plutôt que d'emporter de moi Seulement le quart d'une obole, Tu te romprais toutes les dents. Je ne crains que celles du temps. Ceci s'adresse à vous, esprits du dernier ordre, Qui, n'étant bons à rien, cherchez sur tout à mordre Vous vous tourmentez vainement. Croyez-vous que vos dents impriment leurs outrages Sur tant de beaux ouvrages? Ils sont pour vous d'airain, d'acier, de diamant. »
Le Serpent et la Lime – Livre V, n°16: Morale : "Il est inutile de lutter contre ce qui nous dépasse."
Rien ne sert de courir ; il faut partir à point. Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage. Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point Si tôt que moi ce but. Si tôt ? Êtes-vous sage ?(1) Repartit l'Animal léger.(2) Ma Commère, il vous faut purger Avec quatre grains (3) d'ellébore. Sage ou non, je parie encore. Ainsi fut fait : et de tous deux On mit près du but les enjeux. Savoir quoi, ce n'est pas l'affaire ; Ni de quel juge l'on convint. (4) Notre Lièvre n'avait que quatre pas à faire ; J'entends de ceux qu'il fait lorsque prêt d'être atteint Il s'éloigne des Chiens, les renvoie aux calendes, (5) Et leur fait arpenter les landes. Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter, Pour dormir, et pour écouter D'où vient le vent, il laisse la Tortue Aller son train de Sénateur. (6) Elle part, elle s'évertue ; Elle se hâte avec lenteur. Lui cependant méprise une telle victoire ; Tient la gageure (7) à peu de gloire ; Croit qu'il y va de son honneur De partir tard. Il broute, il se repose, Il s'amuse à toute autre chose Qu'à la gageure. À la fin, quand il vit Que l'autre touchait presque au bout de la carrière, (8) Il partit comme un trait ; mais les élans qu'il fit Furent vains : la Tortue arriva la première. Eh bien, lui cria-t-elle, avais-je pas raison ? (9) De quoi vous sert votre vitesse ? Moi l'emporter ! et que serait-ce Si vous portiez une maison ?
Le Lièvre et la Tortue – Livre VI, n°10: La morale est explicite et est placée au premier vers de la fable : "Rien ne sert de courir ; il faut partir à point".
« Le Paon se plaignait à Junon. "Déesse, disait-il, ce n'est pas sans raison Que je me plains, que je murmure : Le chant dont vous m'avez fait don Déplaît à toute la nature ; Au lieu qu'un Rossignol, chétive créature, Forme des sons aussi doux qu'éclatants, Est lui seul l'honneur du printemps." Junon répondit en colère : "Oiseau jaloux, et qui devrais te taire, Est-ce à toi d'envier la voix du Rossignol, Toi que l'on voit porter à l'entour de ton col Un arc-en-ciel nué de cent sortes de soies ; Qui te panades, qui déploies Une si riche queue, et qui semble à nos yeux La boutique d'un lapidaire ? Est-il quelque oiseau sous les cieux Plus que toi capable de plaire ? Tout animal n'a pas toutes propriétés. Nous vous avons donné diverses qualités : Les uns ont la grandeur et la force en partage : Le Faucon est léger, l'Aigle plein de courage; Le Corbeau sert pour le présage ; La Corneille avertit des malheurs à venir ; Tous sont contents de leur ramage. Cesse donc de te plaindre, ou bien pour te punir Je t'ôterai ton plumage. »
Le Paon se plaignait à Junon – Livre II, n°7: Morale : "Il faut accepter ses qualités et ses défauts, plutôt que de se concentrer sur ce que l'on n'a pas."
« Deux Pigeons s’aimaient d’amour tendre. L’un d’eux s’ennuyant au logis Fut assez fou pour entreprendre Un voyage en lointain pays. L’autre lui dit : Qu’allez-vous faire ? Voulez-vous quitter votre frère ? L’absence est le plus grand des maux : Non pas pour vous, cruel. Au moins, que les travaux, Les dangers, les soins du voyage, Changent un peu votre courage. Encor si la saison s’avançait davantage ! Attendez les zéphyrs[N 1]. Qui vous presse ? Un corbeau Tout à l’heure annonçait malheur à quelque oiseau. Je ne songerai plus que rencontre funeste, Que Faucons, que réseaux[N 2]. Hélas, dirai-je, il pleut : Mon frère a-t-il tout ce qu’il veut, Bon soupé, bon gîte, et le reste ? Ce discours ébranla le cœur De notre imprudent voyageur ; Mais le désir de voir et l’humeur inquiète[N 3] L’emportèrent enfin. Il dit : Ne pleurez point : Trois jours au plus rendront mon âme satisfaite ; Je reviendrai dans peu conter de point en point Mes aventures à mon frère. Je le désennuierai : quiconque ne voit guère N’a guère à dire aussi. Mon voyage dépeint Vous sera d’un plaisir extrême. Je dirai : J’étais là ; telle chose m’avint ; Vous y croirez être vous-même. À ces mots en pleurant ils se dirent adieu. Le voyageur s’éloigne ; et voilà qu’un nuage L’oblige de chercher retraite en quelque lieu. Un seul arbre s’offrit, tel encor que l’orage Maltraita le Pigeon en dépit du feuillage. L’air devenu serein, il part tout morfondu, Sèche du mieux qu’il peut son corps chargé de pluie, Dans un champ à l’écart voit du blé répandu, Voit un pigeon auprès ; cela lui donne envie : Il y vole, il est pris : ce blé couvrait d’un las[N 4], Les menteurs et traîtres appas. Le las était usé ! si bien que de son aile, De ses pieds, de son bec, l’oiseau le rompt enfin. Quelque plume y périt ; et le pis du destin Fut qu’un certain Vautour à la serre cruelle Vit notre malheureux, qui, traînant la ficelle Et les morceaux du las qui l’avait attrapé, Semblait un forçat échappé. Le vautour s’en allait le lier[N 5] , quand des nues Fond à son tour un Aigle aux ailes étendues. Le Pigeon profita du conflit des voleurs, S’envola, s’abattit auprès d’une masure, Crut, pour ce coup, que ses malheurs Finiraient par cette aventure ; Mais un fripon d’enfant, cet âge est sans pitié, Prit sa fronde et, du coup, tua plus d’à moitié La volatile malheureuse, Qui, maudissant sa curiosité, Traînant l’aile et tirant le pié, Demi-morte et demi-boiteuse, Droit au logis s’en retourna. Que bien, que mal[N 6], elle arriva Sans autre aventure fâcheuse. Voilà nos gens rejoints ; et je laisse à juger De combien de plaisirs ils payèrent leurs peines. Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ? Que ce soit aux rives prochaines ; Soyez-vous l’un à l’autre un monde toujours beau, Toujours divers, toujours nouveau ; Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste ; J’ai quelquefois aimé ! je n’aurais pas alors Contre le Louvre et ses trésors, Contre le firmament et sa voûte céleste, Changé les bois, changé les lieux Honorés par les pas, éclairés par les yeux De l’aimable et jeune Bergère Pour qui, sous le fils de Cythère, Je servis, engagé par mes premiers serments. Hélas ! quand reviendront de semblables moments ? Faut-il que tant d’objets si doux et si charmants Me laissent vivre au gré de mon âme inquiète ? Ah ! si mon cœur osait encor se renflammer ! Ne sentirai-je plus de charme qui m’arrête ? Ai-je passé le temps d’aimer ? »
Les Deux Pigeons – Livre IX, n°2: Morale : "Loin de chez soi, on peut perdre ce que l'on avait sans vraiment y gagner."
Mars autrefois mit tout l'air en émute. Certain sujet fit naître la dispute Chez les oiseaux ; non ceux que le Printemps Mène à sa Cour, et qui, sous la feuillée, Par leur exemple et leurs sons éclatants Font que Vénus est en nous réveillée ; Ni ceux encor que la Mère d'Amour Met à son char : mais le peuple Vautour, Au bec retors, à la tranchante serre, Pour un chien mort se fit, dit-on, la guerre. Il plut du sang ; je n'exagère point. Si je voulais conter de point en point Tout le détail, je manquerais d'haleine. Maint chef périt, maint héros expira ; Et sur son roc Prométhée espéra De voir bientôt une fin à sa peine. C'était plaisir d'observer leurs efforts ; C'était pitié de voir tomber les morts. Valeur, adresse, et ruses, et surprises, Tout s'employa. Les deux troupes éprises D'ardent courroux n'épargnaient nuls moyens De peupler l'air que respirent les ombres : Tout élément remplit de citoyens Le vaste enclos qu'ont les royaumes sombres. Cette fureur mit la compassion Dans les esprits d'une autre nation Au col changeant, au coeur tendre et fidèle. Elle employa sa médiation Pour accorder une telle querelle ; Ambassadeurs par le peuple pigeon Furent choisis, et si bien travaillèrent, Que les Vautours plus ne se chamaillèrent. Ils firent trêve, et la paix s'ensuivit : Hélas ! ce fut aux dépens de la race A qui la leur aurait dû rendre grâce. La gent maudite aussitôt poursuivit Tous les pigeons, en fit ample carnage, En dépeupla les bourgades, les champs. Peu de prudence eurent les pauvres gens, D'accommoder un peuple si sauvage. Tenez toujours divisés les méchants ; La sûreté du reste de la terre Dépend de là : Semez entre eux la guerre, Ou vous n'aurez avec eux nulle paix. Ceci soit dit en passant ; je me tais.
Le Vautour et les Pigeons – Livre VII, n°7: Morale : "L'hypocrisie finit toujours par être découverte, et ceux qui se laissent tromper en subissent les conséquences."
« Certain Renard Gascon, d'autres disent Normand, Mourant presque de faim, vit au haut d'une treille Des raisins mûrs apparemment, Et couverts d'une peau vermeille. Le galant en eût fait volontiers un repas ; Mais comme il n'y pouvait atteindre : "Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats." Fit-il pas mieux que de se plaindre ? »
Le Corbeau, la Gazelle, la Tortue et le Rat – Livre XII, n°15: Morale : "Chacun doit savoir tirer parti de ses propres forces pour surmonter les difficultés, et il est souvent dans la diversité des talents que réside la solution."